Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/463

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sens critique et dominés par des besoins religieux très puissants, s’attachent à un des grands systèmes de croyance établis. J’aime la foi simple du paysan, la conviction sérieuse du prêtre. Je suis convaincu, pour l’honneur de la nature humaine, que le christianisme n’est chez l’immense majorité de ceux qui le professent qu’une noble forme de vie. Mais je ne puis m’empêcher de dire que, pour une grande partie de la jeunesse aristocratique, le catholicisme n’est qu’une forme du scepticisme et de la frivolité. La première base de ce catholicisme-là, c’est le mépris, la malédiction, l’ironie malédiction contre tout ce qui a fait marcher l’esprit humain et brisé la vieille chaîne. Obligés de haïr tout ce qui a aidé l’esprit moderne à sortir du catholicisme, ces frénétiques s’engagent à haïr toute chose : Louis XIV, qui, en constituant l’unité centrale de la France, travaillait si efficacement au triomphe de l’esprit moderne, comme Luther, la science comme l’esprit industriel, l’humanité en un mot. Ils croient faire l’apologie du christianisme en riant de tout ce qui est sérieux et philosophique.

Il m’est impossible d’exprimer l’effet physiologique et psychologique que produit sur moi ce genre de parodie niaise devenu si fort à la mode en province depuis quelques années. C’est l’agacement, c’est l’irritation, c’est l’enfer. Il est si facile de tourner ainsi toute chose sérieuse et originale. Ah ! barbares, oubliez-vous que nous avons eu Voltaire, et que nous pourrions encore vous jeter à la face le père Nicodème, Abraham Chaumeix, Sabathier et Nonotte ? Nous ne le faisons pas car vous nous avez dit que c’était déloyal. Mais pourquoi donc employer contre nous une arme que vous nous avez reprochée ? Croyez-vous que si nous voulions nous moquer des théolo-