que tout cela est aussi insignifiant que quand on se demandait à Rome si ce serait Didius Julien ou Flavius Sulpicianus qui l’emporterait à l’enchère, et que les sept cent cinquante personnes intelligentes qui sont là attentives autour de cette arène, saisissant avidement toutes les péripéties du combat, perdent leur temps et leur peine. Là n’est pas le lieu des grandes choses. Ce qu’il faut à l’humanité, c’est une morale et une foi ; ce sera des profondeurs de la nature humaine qu’elle sortira, et non des chemins battus et inféconds du monde officiel.
Considérez combien est humiliant, aux époques comme la nôtre, le rôle de l’homme politique. Banni des hautes régions de la pensée, déshérité de l’idéal, il passe sa vie à des labeurs ingrats et sans fruit, soucis d’administration, complications bureaucratiques, mines et contremines d’intrigues. Est-ce la place d’un philosophe ? Le politique est le goujat de l’humanité et non son inspirateur. Quel est l’homme amoureux de sa perfection qui voudra s’engager dans cet étouffoir ?
M. de Chateaubriand a, je crois, soutenu quelque part que l’intrusion des hommes de lettres dans la politique active signale l’affaiblissement de l’esprit politique chez une nation. C’est une erreur ; cela prouve un affaiblissement de l’esprit philosophique, de la spéculation, de la littérature ; cela prouve que l’on ne comprend plus la valeur et la dignité de l’intelligence, puisqu’elle ne suffit plus à occuper les esprits distingués : cela prouve enfin que le règne a passé de l’esprit et de la doctrine à l’intrigue et à la petite activité. Mais cette activité ne tardera pas à se proclamer elle-même impuissante, et l’on comprendra alors que la grande révolution ne viendra