Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/514

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plus inconséquent. Je conçois les orthodoxes, je conçois les incrédules mais non les néo-catholiques. L’ignorance profonde où l’on est en France, en dehors du clergé, de l’exégèse biblique et de la théologie, a seule pu donner naissance à cette école superficielle et pleine de contradictions. C’est dans les Pères, c’est dans les conciles qu’il faut chercher le vrai christianisme, et non chez des esprits à la fois faibles et légers qui l’ont faussé en l’adoucissant, sans le rendre plus acceptable.

Pour la grande majorité des hommes, le culte établi n’est que la part de l’idéal dans la vie humaine, et à ce titre il est souverainement respectable. Quel charme de voir dans des chaumières ou dans des maisons vulgaires, où tout semble écrasé sous la préoccupation de l’utile, des images ne représentant rien de réel, des saints, des anges ! Quelle consolation, au milieu des larmes de notre état de souffrance, de voir des malheureux, courbés sous le travail de six journées, venir au septième jour se reposer à genoux, regarder de hautes colonnes, une voûte, des arceaux, un autel, entendre et savourer des chants, écouter une parole morale et consolante. Oh barbares, ceux qui appellent cela du temps perdu, et spéculent sur le gain des dimanches et des fêtes supprimées ! Nous autres, qui avons l’art, la science, la philosophie, nous n’avons plus besoin de l’église. Mais le peuple, le temple est sa littérature, sa science, son art. Ce qu’il y a dans le christianisme de dangereux et de funeste, le peuple ne le voit pas. L’esprit qui aspire à une haute culture réfléchie doit préalablement s’affranchir du catholicisme ; car il y a dans le catholicisme des dogmes et des tendances inconciliables avec la culture moderne. Mais qu’importe au simple tout cela ? Il ne cueille que la fleur : que lui importe que les