En logique, en morale, en politique, l’homme aspire à tenir quelque chose d’absolu. Ceux qui font reposer la connaissance humaine et le devoir et le gouvernement sur la nature humaine ont l’air de se priver d’un tel fondement car le libre examen, c’est la dissidence, c’est la variété de vues. Il semble donc plus commode de chercher et à la connaissance et à la morale et à la politique une base extérieure à l’homme, une révélation, un droit divin. Mais le malheur est qu’il n’y a rien de tel, qu’une pareille révélation aurait besoin d’être prouvée, qu’elle ne l’est pas, et que, quand elle le serait, elle ne le serait que par la raison, que par conséquent la diversité renaîtrait sur l’appréciation de ces preuves. Mieux vaut donc rester dans le champ de la nature humaine, ne chercher l’absolu que dans la science, et renoncer à ces timides palliatifs qui ne font que faire illusion et reculer la difficulté.
Il n’y a de nos jours que deux systèmes en face : les uns, désespérant de la raison, la croyant condamnée à se contredire éternellement, embrassent avec fureur une autorité extérieure et deviennent croyants par scepticisme (système jésuitique : l’autorité, le directeur, le pape, substitués à la raison, à Dieu). Les autres, par une vue plus profonde de la marche de l’esprit humain, au-dessous des contradictions apparentes, voient le progrès et l’unité. Mais, notez-le, ceci est essentiel : à moins de croire par instinct, comme les simples, on ne peut plus croire que par scepticisme : désespérer de la philosophie est devenu la première base de la théologie. J’aime et j’admire le grand scepticisme désespérant, dont l’expression a enrichi la littérature moderne de tant d’œuvres admirables. Mais je ne trouve que le rire et le dégoût pour cette mesquine ironie de la nature humaine, qui n’aboutit qu’à la super-