Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/90

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stition, et prétend guérir Byron, en lui prêchant le pape.

On parle beaucoup de l’accord de la raison et de la foi, de la science et de la révélation, et quelques pédants qui veulent se donner une façon d’intérêt et se poser en esprits impartiaux et supérieurs, en ont fait un thème d’ambiguïtés et de frivoles non-sens. Il faut s’entendre. Si la révélation est réellement ce qu’elle prétend être, la parole de Dieu, il est trop clair qu’elle est maîtresse, qu’elle n’a pas à pactiser avec la science, que celle-ci n’a qu’à plier bagage devant cette autorité infaillible, et que son rôle se réduit à celui de serva et pedissequa, à commenter ou expliquer la parole révélée. Dès lors aussi les dépositaires de cette parole révélée seront supérieurs en droit aux investigateurs de la science humaine, ou plutôt ils seront la seule puissance devant laquelle les autres disparaissent, comme l’humain devant le divin. Sans doute la vérité ne pouvant être contraire à elle-même, on reconnaîtra volontiers que la bonne science ne saurait contredire la révélation. Mais comme celle-ci est infaillible et plus claire, si la science semble la contredire, on en conclura qu’elle n’est pas la bonne science, et on imposera silence à ses objections. Que si, au contraire, le fait de la révélation n’est pas réel, ou du moins, s’il n’a rien de surnaturel, les religions ne sont plus que des créations tout humaines, et tout se réduit alors à trouver la raison des diverses fictions de l’esprit humain. L’homme dans cette hypothèse a tout fait par ses facultés naturelles ; ici spontanément et obscurément ; là scientifiquement et avec réflexion ; mais enfin l’homme a tout fait : il se retrouve partout en face de sa propre autorité et de son propre ouvrage. Les théologiens ont raison quand ils disent qu’il faut avant tout discuter le fait : cette doctrine est-elle