Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/393

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la raison des opinions diverses qui se partagent le monde, trouve tout simple qu’on ne soit pas de son avis. Un des principaux défauts de la race juive est son âpreté dans la controverse, et le ton injurieux qu’elle y mêle presque toujours. Il n’y eut jamais dans le monde de querelles aussi vives que celles des Juifs entre eux. C’est le sentiment de la nuance qui fait l’homme poli et modéré. Or le manque de nuances est un des traits les plus constants de l’esprit sémitique. Les œuvres fines, les dialogues de Platon, par exemple, sont tout à fait étrangères à ces peuples. Jésus, qui était exempt de presque tous les défauts de sa race, et dont la qualité dominante était justement une délicatesse infinie, fut amené malgré lui à se servir dans la polémique du style de tous. Comme Jean-Baptiste, il employait contre ses adversaires des termes très durs. D’une mansuétude exquise avec les simples, il s’aigrissait devant l’incrédulité, même la moins agressive. Ce n’était plus ce doux maître du « Discours sur la montagne » n’ayant encore rencontré ni résistance ni difficulté. La passion, qui était au fond de son caractère, l’entraînait aux plus vives invectives.