Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/454

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qu’on se rappelle le mieux d’une personne chère, ce sont ses derniers temps. Par une illusion inévitable, on prête aux entretiens qu’on a eus alors avec elle un sens qu’ils n’ont pris que par la mort ; on rapproche en quelques heures les souvenirs de plusieurs années. La plupart des disciples ne virent plus leur maître après le souper dont nous venons de parler. Ce fut le banquet d’adieu. Dans ce repas, ainsi que dans beaucoup d’autres, Jésus pratiqua son rite mystérieux de la fraction du pain. Comme on crut de bonne heure que le repas en question eut lieu le jour de Pâque et fut le festin pascal, l’idée vint naturellement que l’institution eucharistique se fit à ce moment suprême. Partant de l’hypothèse que Jésus savait d’avance avec précision le moment de sa mort, les disciples devaient être amenés à supposer qu’il réserva pour ses dernières heures une foule d’actes importants. Comme, d’ailleurs, une des idées fondamentales des premiers chrétiens était que la mort de Jésus avait été un sacrifice, remplaçant tous ceux de l’ancienne Loi, la « Cène » qu’on supposait s’être passée une fois pour toutes la veille de la Passion, devint le sacrifice par excellence, l’acte constitutif de la nouvelle alliance, le signe du sang répandu pour le salut de tous. Le