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Page:Renan - Le Judaisme comme race et comme religion, 1883.djvu/20

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les plus exaltés qu’il y ait jamais eu, tribuns d’autant plus âpres qu’ils n’ont pas la conception d’une vie future pour se consoler, et que c’est ici-bas, d’après eux, que la justice doit régner.

Voilà une apparition unique dans le monde, celle de la religion pure. Vous voyez, en effet, qu’une pareille religion n’a rien de national. Quand on adore un Dieu qui a fait le ciel et la terre, qui aime le bien et punit le mal (ceci était assez difficile à prouver sans les idées d’outre-tombe ; mais enfin on s’en tirait comme on pouvait) ; quand on proclame une telle religion, on n’est plus dans les limites d’une nationalité, on est en pleine conscience humaine, au sens le plus large. Aussi ces grands créateurs tirent-ils parfaitement les conséquences de leur doctrine, conséquences dont la dernière aurait été certainement de supprimer les sacrifices et le temple. Ils y seraient arrivés ; que dis-je ! Ils y sont arrivés ; les fondateurs du christianisme sont les derniers représentants de l’esprit prophétique ; or le christianisme proclame que les sacrifices sont un fait absolument archaïque et qui ne doit plus exister dans la religion selon l’esprit.

Quant au temple, on accusa le fondateur du christianisme d’avoir parlé contre lui ; l’a-t-il fait réellement ? Nous ne le saurons jamais. Mais, en tout cas, un événement est survenu qui a tranché la question : c’est la destruction du temple par les Romains. Cette destruction a été un immense bonheur, parce qu’il