Page:Renan - Le Judaisme comme race et comme religion, 1883.djvu/57

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Ibn-Tofaïl, Averroès élèvent la pensée philosophique, au douzième siècle, à des hauteurs où, depuis l’antiquité, on ne l’avait point vue portée.

Tel est ce grand ensemble philosophique, que l’on a coutume d’appeler arabe, parce qu’il est écrit en arabe, mais qui est en réalité gréco-sassanide. Il serait plus exact de dire grec ; car l’élément vraiment fécond de tout cela venait de la Grèce. On valait, dans ces temps d’abaissement, en proportion de ce qu’on savait de la vieille Grèce. La Grèce était la source unique du savoir et de la droite pensée. La supériorité de la Syrie et de Bagdad sur l’Occident latin venait uniquement de ce qu’on y touchait de bien plus près la tradition grecque. Il était plus facile d’avoir un Euclide, un Ptolémée, un Aristote à Harran, à Bagdad qu’à Paris. Ah ! si les Byzantins avaient voulu être gardiens moins jaloux des trésors qu’à ce moment ils ne lisaient guère ; si, dès le huitième ou le neuvième siècle, il y avait eu des Bessarion et des Lascaris ! On n’aurait pas eu besoin de ce détour étrange qui fit que la science grecque nous arriva au douzième siècle, en passant par la Syrie, par Bagdad, par Cordoue, par Tolède. Mais cette espèce de providence secrète qui fait que, quand le flambeau de l’esprit humain va s’éteindre entre les mains d’un peuple, un autre se trouve là pour le relever et le rallumer, donna une valeur de premier ordre à l’œuvre, sans cela obscure, de ces pauvres Syriens, de ces filsouf persécutés, de ces Harraniens que leur incrédulité