Page:Renan - Le Judaisme comme race et comme religion, 1883.djvu/66

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Ce qui distingue, en effet, essentiellement le musulman, c’est la haine de la science, c’est la persuasion que la recherche est inutile, frivole, presque impie : la science de la nature, parce qu’elle est une concurrence faite à Dieu ; la science historique, parce que, s’appliquant à des temps antérieurs à l’islam, elle pourrait raviver d’anciennes erreurs. Un des témoignages les plus curieux à cet égard est celui du cheik Rifaa, qui avait résidé plusieurs années à Paris comme aumônier de l’École égyptienne, et qui, après son retour en Égypte, fit un ouvrage plein des observations les plus curieuses sur la société française. Son idée fixe est que la science européenne, surtout par son principe de la permanence des lois de la nature, est d’un bout à l’autre une hérésie ; et, il faut le dire, au point de vue de l’islam, il n’a pas tout à fait tort. Un dogme révélé est toujours opposé à la recherche libre, qui peut le contredire. Le résultat de la science est non pas d’expulser, mais d’éloigner toujours le divin, de l’éloigner, dis-je, du monde des faits particuliers où l’on croyait le voir. L’expérience fait reculer le surnaturel et restreint son domaine. Or le surnaturel est la base de toute théologie. L’islam, en traitant la science comme son ennemie, n’est que conséquent ; mais il est dangereux d’être trop conséquent. L’islam a réussi pour son malheur. En tuant la science, il s’est tué lui-même, et s’est condamné dans le monde à une complète infériorité.

Quand on part de cette idée que la recherche est