Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/181

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empressement ; quelle nouvelle, n’est-ce pas ?

N’allez pas croire cependant, ma chère mère, que nous soyons encore enfants comme à Saint-Nicolas. L’étude de la philosophie est très propre à mettre du sérieux dans l’esprit ; c’est même là son propre caractère. On y traite des plus grandes questions, de Dieu, de l’âme humaine, de notre esprit, de nos sens, de la vérité, de la certitude, qui nous occupe actuellement, et où nous suivons les divers philosophes dans tous leurs systèmes. Figurez-vous, ma bonne mère, qu’on s’y demande sérieusement : Est-il vrai que j’existe ? N’est-ce pas un rêve, une illusion ? Je crois voir ma chère maman s’indigner certainement que mon Ernest existe ; je voudrais bien voir quelqu’un qui s’avisât de le nier. C’est que, voyez-vous, les philosophes sont les plus drôles de gens du monde ; ils doutent de tout. Mais n’ayez pas peur, ma chère mère, je n’en suis pas encore là, et si jamais je devais douter de quelque chose, ce ne serait pas assurément de votre affection ni de la mienne.

Nous jouissons ici d’un temps admirable un ciel pur, un beau soleil. Notre parc com-