Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/227

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où je ne trouvais ni un visage connu, ni un regard ami, c’est alors que j’ai commencé à souffrir. Les distractions du voyage étaient bien impuissantes, je vous l’assure, à soulager ma peine ; j’avais le cœur trop gros pour pouvoir m’y attacher. Quand je voyais la joie de quelques-uns de mes compagnons de voyage, qui allaient revoir leur famille, que je les regardais d’un œil d’envie ! Sans doute, en retrouvant ici mes anciennes connaissances et des supérieurs pleins de bonté, j’ai éprouvé un léger soulagement, mais il n’est rien comme une mère, rien ne saurait y suppléer, l’amitié même y est impuissante. Oh ! chère maman, quand pourrons-nous enfin jouir l’un de l’autre, sans craindre la séparation ! Espérons, tendre mère ; Dieu n’eût pas dirigé nos désirs vers le même terme, si son dessein n’avait été de les satisfaire. Ce sont ces rêves qui me consolent ; assurez-moi au moins que dans dix mois je serai encore heureux.

J’ai éprouvé une bien grande contrariété en voyage si je m’étais dirigé vers ma mère, j’y eusse été bien peu sensible : mais en m’éloi-