Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/308

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chère mère, prenez le n°8 de cette rue, et vous aurez le domicile de votre pauvre Ernest.

Cette rue, chère mère, a des propriétés et des qualités toutes particulières et bien rares à Paris. C’est, je crois, la plus tranquille et la moins populeuse de cette vaste cité. Vous saurez, d’abord, qu’il n’y a de maisons que d’un côté, parce que l’autre côté est occupé par le mur des Sourds-Muets ce qui est un immense avantage pour l’agrément de la vue qui s’étend au loin. Et puis, bonne mère, croiriez-vous que toutes ses maisons du côté habité se réduisent à deux, une institution de demoiselles, et celle que j’habite. Il y a pourtant huit numéros, parce que l’église Saint-Jacques et la sacristie, qui sont aussi de notre côté, en forment deux. Voilà donc, chère mère, une véritable rue de petite ville ; on dirait la rue Stanco ou la rue des Frères. Après cette description topographique, si vous voulez, chère mère, vous faire une idée de ma jolie vue, approchez-vous avec moi de ma fenêtre, levons les persiennes, dont on se passe encore au soleil de février, et regardons ensemble. Quel est cet immense édifice, qui est là à notre