Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/265

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Le premier m’aimait et me choyait ; que ne me dit-il pas encore ? Henriette, ma bonne Henriette, soutiens mon courage. Oh ! que dans ces moments-là où la vie m’apparait ainsi sèche et triste, j’ai besoin de penser à toi ! Car enfin, si je ne t’avais, je serais seul au monde. Encore si j’étais sûr de pouvoir réaliser mon idéal, d’être ce que je veux être ! Mais quand je serais sûr de moi, serais-je sûr des circonstances ? Que de fois j’ai maudit le jour où je commençai à penser, et j’ai envié le sort des simples et des enfants, que je vois autour de moi si contents, si paisibles. Dieu les préserve de ce qui m’est arrivé, et pourtant je l’en remercie.

Adieu, bonne et chère Henriette, fais-moi espérer encore des jours de bonheur.

Ton frère et ami,
E. RENAN.


Je pense revenir à Paris vers le 10 octobre, ou même auparavant. À cette époque, j’espère de toi une nouvelle lettre, où nous pourrons causer en liberté. Tu y discuteras tout ce dont