Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/75

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Le mardi, elle fut moins bien. Cependant je n’étais pas encore inquiet ; cette indisposition ne semblait rien auprès de celles que je lui avais vu endurer. Je m’étais remis avec passion à ma Vie de Jésus ; nous travaillâmes toute la journée, et le soir elle fut encore gaie sur la terrasse. Le mercredi, le mal augmenta. Je pris alors le parti de prier le chirurgien du Caton de venir la voir. Il ne me laissa concevoir aucune inquiétude. Le jeudi, elle fut dans le même état. Mais ce qui nous rendit ce jour funeste, c’est que je fus frappé à mon tour. J’étais parvenu à la fin de ma mission sans maladie grave. Par une fatalité dont le souvenir me poursuivra toute ma vie comme un cauchemar, le seul moment où j’allais me manquer à moi-même était celui où j’aurais eu à veiller sur son agonie.

J’eus besoin, le jeudi matin, de descendre à la rade de Gébeil pour conférer avec le commandant. En remontant à Amschit, je sentis que le soleil, répercuté par les rochers brûlants qui forment la colline, me saisissait. L’après-midi, j’eus un violent accès de fièvre, accompagné de fortes douleurs névralgiques. C’était