Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/90

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pressée tant de fois, je frissonne d’horreur quand je songe que vous êtes en poussière. Mais tout n’est ici-bas que symbole et qu’image. La partie vraiment éternelle de chacun, c’est le rapport qu’il a eu avec l’infini. C’est dans le souvenir de Dieu que l’homme est immortel. C’est là que notre Henriette, à jamais radieuse, à jamais impeccable, vit mille fois plus réellement qu’au temps où elle luttait de ses organes débiles pour créer sa personne spirituelle, et que, jetée au sein du monde qui ne savait pas la comprendre, elle cherchait obstinément le parfait. Que son souvenir nous reste comme un précieux argument de ces vérités éternelles que chaque vie vertueuse contribue à démontrer. Pour moi, je n’ai jamais douté de la réalité de l’ordre moral ; mais je vois maintenant avec évidence que toute la logique du système de l’univers serait renversée, si de telles vies n’étaient que duperie et illusion.