Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/127

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Mais le sentiment chrétien éprouvera une vive antipathie devant ces concessions d’une apologie sacrifiant l’âpreté des dogmes au désir de plaire à ceux qu’elle veut gagner. L’auteur de l’Épître à Diognète se rapproche de Tatien par l’extrême sévérité avec laquelle il juge la philosophie grecque. Le Sarcasme[1] d’Hermias est sans pitié. L’auteur des Philosophuména regarde la philosophie antique comme la source de toutes les hérésies[2]. Cette méthode d’apologie, la seule, à vrai dire, qui soit chrétienne, sera reprise par Tertullien avec un talent sans égal. Le rude Africain opposera aux énervantes faiblesses des apologistes helléniques le dédain du Credo quia absurdum[3]. Il n’est en cela que l’interprète de la pensée de saint Paul[4]. « On anéantit le Christ, aurait dit le grand apôtre devant ces molles complaisances. Si les philosophes pouvaient, par le progrès naturel de leurs pensées, sauver le monde, pourquoi le Christ est-il venu ? pourquoi a-t-il été crucifié ? Socrate, dites-vous, a connu le Christ en partie[5]. C’est donc aussi en partie par les mérites de Socrate que vous êtes justifiés ! »

  1. La date de cet ouvrage est tout à fait incertaine.
  2. Comp. Tertullien, Præscr., 7 ; S. Jérôme, Epist., 83 (84).
  3. Tertullien, De carne Christi, 5.
  4. I Cor., i, 18 et suivants.
  5. Justin, Apol. II, 10.