Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/174

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la preuve de tout cela, lui demandai-je, et qu’est-ce qui te permet d’affirmer qu’il n’y a qu’un seul principe ? » Il m’avoua alors que les prophéties ne peuvent nous rien apprendre de vrai, puisqu’elles se contredisent et se renversent elles-mêmes ; que cette assertion : « Il n’y a qu’un principe », était plutôt chez lui l’effet d’un instinct que d’une connaissance positive. Lui ayant demandé par serment de dire la vérité, il me jura qu’il parlait sincèrement, qu’il ne savait pas comment il n’y a qu’un seul Dieu non engendré, mais qu’il le croyait. Pour moi, je lui reprochai en riant de se donner le titre de maître, sans pouvoir alléguer aucune preuve en faveur de sa doctrine. »

Pauvre Rhodon ! C’était l’hérétique Apelle qui, ce jour-là, lui donnait une leçon de bon goût, de tact et de vrai christianisme. L’élève de Marcion était réellement guéri, puisqu’à une creuse Gnosis il préférait la foi, l’instinct secret de la vérité, l’amour du bien, l’espérance dans le crucifié.

Ce qui donnait une certaine force à des idées comme celles d’Apelle, c’est qu’elles n’étaient, à beaucoup d’égards, qu’un retour à saint Paul. Il n’est pas douteux que saint Paul, ressuscitant à l’heure du christianisme où nous sommes arrivés, n’eût trouvé que le catholicisme faisait à l’Ancien Testa-