Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/182

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après avoir repoussé comme impure l’antiquité hellénique, Tatien repoussait de même l’antiquité biblique. De là une exégèse et une critique peu différentes de celles des marcionites[1]. Ses Problèmes[2], comme les Antithèses de Marcion et les Syllogismes d’Apelle, avaient sans doute pour objet de prouver les inconséquences de l’ancienne loi et la supériorité de la nouvelle. Il y présentait, avec un bon sens assez lucide, les objections qu’on peut faire contre la Bible, en se plaçant sur le terrain de la raison. L’exégèse rationaliste des temps modernes trouve ainsi ses ancêtres dans l’école d’Apelle et de Tatien. Malgré son injustice pour la Loi et les prophètes, cette école était certainement, en exégèse, plus sensée que les docteurs orthodoxes, avec leurs interprétations allégoriques et typiques tout à fait arbitraires.

La pensée qui domina Tatien, dans la composition de son célèbre Diatessaron[3], ne pouvait non plus lui valoir l’approbation des orthodoxes. La discordance des Évangiles le choquait. Soucieux avant tout d’écarter les objections de la raison, il retrancha du même coup ce qui servait le plus à l’édification.

  1. Clém. d’Alex., Ecl., § 38 et suiv. ; Strom., III, xii, 82 ; Origène, De orat., c. 24 ; Harnack, Apelles, p. 89, 90.
  2. Προϐλήματα. Rhodon, dans Eus., V, xiii, 8.
  3. Voir l’Église chrétienne, p. 503, 504.