Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/239

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poser de pieuses gens en retraite dans l’espérance du dernier jour[1]. Même pour la cène, ils ne se servaient, comme certains ébionites, que de pain et d’eau, de fromage, de sel[2]. Les disciplines austères sont toujours contagieuses dans les foules, incapables de haute spiritualité ; car elles rendent le salut certain à bon marché, et elles sont faciles à pratiquer pour les simples, qui n’ont que leur bonne volonté. De toutes parts, ces pratiques se répandirent ; elles pénétrèrent jusque dans les Gaules avec les Asiates, qui remontaient en nombre si considérable la vallée du Rhône ; un des martyrs de Lyon, en 177, s’y montrait attaché jusque dans sa prison, et il fallut le bon sens gaulois ou, comme on crut alors, une révélation directe de Dieu pour l’y faire renoncer[3].

Ce qu’il y avait de plus fâcheux, en effet, dans les excès de zèle de ces ardents ascètes, c’est qu’ils se montraient intraitables contre tous ceux qui ne partageaient pas leurs simagrées. Ils ne parlaient que du relâchement général. Comme les flagellants du moyen âge, ils trouvaient dans leurs pratiques exté-

  1. Apollonius, dans Eus., V, xviii, 2 (Cf. iii) ; Philosoph., VIII, 19 ; Tertullien, De jejuniis ; saint Jérôme, Epist. ad Marcellam (27), et In Agg., i (col. 65 et 1690 de Mart., t. IV).
  2. Comp. Épiph., Hær., xxx, 15 ; Pseudo-Clém., Homél., xiv, 1 ; Acta SS. Perp. et Fel., 4.
  3. Eus., H. E., V, ch. iii.