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Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/24

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sur la bassesse et la stupidité des hommes, ni l’orgueil pédantesque des royautés du moyen âge, fondées sur un sentiment exagéré de l’hérédité et sur la foi naïve des races germaniques dans les droits du sang, ne peuvent nous donner une idée de cette souveraineté toute républicaine de Nerva, de Trajan, d’Adrien, d’Antonin, de Marc-Aurèle. Rien du prince héréditaire ou par droit divin ; rien non plus du chef militaire : c’était une sorte de grande magistrature civile, sans rien qui ressemblât à une cour, ni qui enlevât à l’empereur le caractère d’un particulier. Marc-Aurèle, notamment, ne fut ni peu ni beaucoup un roi dans le sens propre du mot ; sa fortune était immense, mais toute patrimoniale ; son aversion pour « les Césars[1] », qu’il envisage comme des espèces de Sardanapales, magnifiques, débauchés et cruels, éclate à chaque instant. La civilité de ses mœurs était extrême ; il rendit au Sénat toute son ancienne importance ; quand il était à Rome, il ne manquait jamais une séance et ne quittait sa place que quand le consul avait prononcé la formule : Nihil vos moramur, Patres conscripti.

La souveraineté, ainsi possédée en commun par un groupe d’hommes d’élite, lesquels se la léguaient ou se la partageaient selon les besoins du moment,

  1. Les empereurs avant Nerva. Cf. Pensées, VI, 30.