Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/241

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aussi chaste qu’une vierge ; le pécheur en est exclu par son péché même et perd dès lors toute espérance d’y entrer. L’absolution de l’Église est sans valeur. Les choses saintes doivent être administrées par les saints[1]. Les évêques n’ont aucun privilège en ce qui concerne les dons spirituels. Seuls, les prophètes, organes de l’Esprit, peuvent assurer que Dieu pardonne[2].

Grâce aux manifestations extraordinaires d’un piétisme extérieur et peu discret, Pépuze et Tymium devenaient, en effet, des espèces de villes saintes. On les appelait Jérusalem et les sectaires voulaient qu’elles fussent le centre du monde. On y venait de toutes parts, et plusieurs soutenaient que, conformément à la prédiction de Priscille, la Sion idéale s’y créait déjà. L’extase n’était-elle pas la réalisation provisoire du royaume de Dieu, commencé par Jésus ? Les femmes quittaient leur mari comme à la fin de l’humanité. Chaque jour, on croyait voir les nuées s’ouvrir et la nouvelle Jérusalem se dessiner sur l’azur du ciel[3].

Les orthodoxes, et surtout le clergé, cherchaient naturellement à prouver que l’attrait qui attachait ces

  1. Tertullien, De exhort. cast., 10.
  2. Tertullien, De pudic., 19, 21.
  3. Tertullien, Adv. Marc., III, 24. Cf. Firmilien (Epist. S. Cypriani, 75).