Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/298

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rêtée, mise à la question, conduite à la mort. Byzance ayant été ruinée, quelques années après, par Septime Sévère (en 196), le gouverneur Cæcilius Capella s’écria : « Quel beau jour pour les chrétiens[1] ! »

Ce fut plus grave encore en Asie. L’Asie était la province où le christianisme atteignait le plus profondément l’ordre social. Aussi les proconsuls d’Asie étaient-ils, de tous les gouverneurs de province, les plus âpres à la persécution. Sans que l’empereur eût porté de nouveaux édits, ils alléguaient des instructions qui les obligeaient à procéder avec sévérité[2]. Ils appliquaient sans merci une loi qui, selon l’interprétation, pouvait être atroce ou inoffensive. Ces supplices répétés étaient un sanglant démenti à un siècle d’humanité. Les fanatiques, dont ces violences confirmaient les sombres rêves, ne protestaient pas ; souvent ils se réjouissaient. Mais les évêques modérés rêvaient la possibilité d’obtenir de l’empereur la fin de tant d’injustices. Marc-Aurèle accueillait toutes les requêtes et était censé les lire. Sa réputation comme philosophe et comme helléniste engageait ceux qui se sentaient quelque facilité pour écrire en grec à s’adresser à lui. L’incident de la

  1. Épiph., liv, 1 ; Tertullien, Ad Scap., 3 ; Baronius, an 196, § 2 ; Tillemont, Mém., II, p. 315-316.
  2. Méliton, ci-après, p. 282.