Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/393

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l’allusion est peut-être plus dédaigneuse dans Peregrinus. Certes, Lucien ne voit pas, comme Celse, un danger pour l’État dans ces niais sectaires[1], qu’il nous montre vivant en frères et animés les uns pour les autres de la plus ardente charité. Ce n’est pas lui qui demandera qu’on les persécute. Il y a tant de fous dans le monde ! Ceux-ci ne sont pas, à beaucoup près, les plus malfaisants.

Lucien se faisait assurément une étrange idée du « sophiste crucifié qui introduisit ces nouveaux mystères et réussit à persuader à ses adeptes de n’adorer que lui »[2]. Il a pitié de tant de crédulité. Comment des malheureux qui se sont mis en tête qu’ils seront immortels ne seraient-ils pas exposés à toutes les aberrations ? Le cynique qui se vaporise[3] à Olympie, le martyr chrétien qui cherche la mort pour être avec Christ, lui paraissent des fous du même ordre. Devant ces morts pompeuses, recherchées volontairement[4], sa réflexion est celle d’Arrius Antoninus : « Si vous tenez tant à vous griller, faites-le chez vous, à

  1. Peregrinus, 13. On suppose que la fin du § 11 contenait contre les chrétiens des détails choquants, que les copistes auront fait disparaître. Bernays, Lucian, p. 107 et suiv.
  2. Peregr., 11, 13. Comp. ὁ καινὸς νομοθέτης, dans Justin. Dial., 18. Cf. Lucien, Philopseudès, 16.
  3. Peregrinus, § 30 (ἐξαερόω).
  4. Ibid., § 21.