Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/394

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votre aise et sans cette ostentation théâtrale. » Ce soin de recueillir les restes du martyr, de lui élever des autels, cette prétention d’obtenir de lui des miracles de guérison, d’ériger son bûcher en un sanctuaire de prophétie[1], autant de folies communes à tous les sectaires. Lucien est d’avis qu’on se contente d’en rire, quand la friponnerie ne s’y mêle pas[2]. Il n’en veut aux victimes que parce qu’elles provoquent les bourreaux.

Il fut la première apparition de cette forme du génie humain dont Voltaire a été la complète incarnation, et qui, à beaucoup d’égards, est la vérité. L’homme étant incapable de résoudre sérieusement aucun des problèmes métaphysiques qu’il a l’imprudence de soulever, que doit faire le sage au milieu de la guerre des religions et des systèmes ? S’abstenir, sourire, prêcher la tolérance, l’humanité, la bienfaisance sans prétention, la gaieté. Le mal, c’est l’hypocrisie, le fanatisme, la superstition. Substituer une superstition à une superstition, c’est rendre un médiocre service à la pauvre humanité. Le re-

  1. Peregrinus, § 28, 31, 39, en notant les nombreuses ressemblances qu’offre Peregrinus avec Ignace et Polycarpe.
  2. Des cas comme celui de Calliste, cherchant le martyre quand il se croit perdu (Philos., IX, 12), font disparaître ce qu’a d’invraisemblable, au premier coup d’œil, l’épisode de Peregrinus devenant confesseur de la foi.