Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/452

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le caractère de la spéculation désintéressée, rendait au christianisme cette large tolérance. Que l’on compare au patriotisme étroit d’un Celse, d’un Fronton, l’esprit ouvert d’un penseur tel que Numénius d’Apamée ; quelle différence ! Sans être précisément chrétien ni juif, Numénius admire Moïse et Philon. Il égale Philon à Platon ; il appelle ce dernier un Moïse attique[1], il connaît jusqu’aux compositions apocryphes sur Jamnès et Mambré[2]. À l’étude de Platon et de Pythagore, le philosophe doit, selon lui, unir la connaissance des institutions des brahmanes, des juifs, des mages, des Égyptiens[3]. Le résultat de l’enquête, on peut en être sûr d’avance, sera que tous ces peuples sont d’accord avec Platon. Comme Philon allégorise l’Ancien Testament, Numénius explique symboliquement certains faits de la vie de Jésus-Christ[4]. Il admet que la philosophie grecque est originaire de l’Orient, et doit la vraie notion de Dieu aux Égyptiens, aux Hébreux[5] ; il proclame cette philosophie

  1. Μωϋσῆς ἀττικίζων. Porphyre, De antro nymph., 10 ; Clément d’Alexandrie, Strom., I, ch. xxii, mot répété par un grand nombre de Pères.
  2. Eusèbe, Præp. evang., IX, 8.
  3. Dans Eusèbe, Præp. evang., IX, 7, 8.
  4. Origène, Contre Celse, I, 15 ; IV, 51 ; V, 57.
  5. Théodoret, De cur. Græc. aff., sermo i, p. 466-467 ; sermo ii, p. 499 ; sermo v, p. 547 (Paris, 1642).