Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/491

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nous montrent sa charmante bonhomie[1]. « Quel mal pourrait te faire le plus méchant des hommes, si tu restais obstinément doux pour lui, si, à l’occasion, tu l’exhortais paisiblement, et lui donnais sans colère, alors qu’il s’efforce de te nuire, des leçons comme celle-ci : « Non, mon enfant, nous sommes nés pour autre chose. Ce n’est pas moi qui éprouverai le mal, c’est toi qui t’en feras à toi-même, mon enfant ! » Montre-lui adroitement, par une considération générale, que telle est la règle, que ni les abeilles n’agissent comme lui, ni aucun des animaux qui vivent naturellement en troupes. N’y mets ni moquerie ni insulte ; que tout soit dit sur le ton d’une affection véritable, comme sortant d’un cœur que n’aigrit point la colère ; ne lui parle point comme on fait à l’école, ni en vue d’obtenir l’admiration des assistants ; mais parle-lui avec le même abandon que si vous étiez tous deux seuls. » Commode (si c’est de lui qu’il s’agit) fut sans doute peu sensible à cette bonne rhétorique paternelle. Il n’y avait évidemment qu’un moyen de prévenir les affreux malheurs qui menaçaient le monde : c’était, en vertu du droit d’adoption, de substituer un sujet plus digne à celui que le hasard de la naissance avait désigné. Julien

  1. Pensées, XI, 18.