Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/492

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particularise davantage et croit que Marc-Aurèle aurait dû associer à l’empire son gendre Pompéien, qui aurait continué à gouverner dans les mêmes principes que lui[1].

Ce sont là des choses qu’il est très facile de dire quand les obstacles ne sont plus là et qu’on raisonne loin des faits. On oublie d’abord que les empereurs, depuis Nerva, qui firent de l’adoption un système politique si fécond, n’avaient pas de fils. L’adoption, avec exhérédation du fils ou du petit-fils, se voit au ier siècle de l’empire, mais n’a pas de bons résultats. Marc-Aurèle, par principes, était pour l’hérédité directe, à laquelle il voyait l’avantage de prévenir les compétitions[2]. Dès que Commode fut né, en 161, il le présenta seul aux légions, quoiqu’il eût un jumeau ; souvent il le prenait tout petit entre ses bras et renouvelait cet acte, qui était une sorte de proclamation. Marc était excellent père : « J’ai vu ta petite couvée, lui écrivait Fronton, et rien ne m’a jamais fait tant de plaisir. Ils te ressemblent à un tel degré, qu’on ne vit jamais au monde pareille ressemblance. Je te voyais doublé, pour ainsi dire ; à droite, à gauche, c’était toi que je croyais

  1. Cæsares, p. 401, édit. Hertlein.
  2. Notez l’attention des apologistes chrétiens à flatter cette idée. V. ci-dessus, p. 283, 385.