Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/72

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contre les chrétiens venaient de précepteurs consciencieux, qui se croyaient obligés de préserver les jeunes gens confiés à leurs soins d’une propagande indiscrète, opposée aux idées de leur famille[1]. Les littérateurs à la façon d’Ælius Aristide ne se montrent pas moins sévères. Juifs et chrétiens sont pour eux des impies qui nient les dieux, des ennemis de la société, des perturbateurs du repos des familles, des intrigants qui cherchent à se faufiler partout, à tirer tout à eux, des braillards taquins, présomptueux, malveillants[2]. Des hommes comme Galien[3], esprits pratiques plutôt que philosophes ou rhéteurs, montraient moins de partialité et louaient sans réserve la chasteté, l’austérité, les mœurs douces des sectaires inoffensifs que la calomnie avait réussi à transformer en odieux malfaiteurs[4].

L’empereur avait pour principe de maintenir les anciennes maximes romaines dans leur intégrité[5]. C’était plus qu’il n’en fallait pour que le nouveau règne fût peu favorable à l’Église. La tradition romaine est un dogme pour Marc-Aurèle ; il s’excite à

  1. Celse, voyez ci-après p. 363 et suiv.
  2. Ælius Aristide, Opp., II, p. 402 et suiv., édit. Dindorf.
  3. Dans Aboulfaradj, Dyn., p. 78 (authenticité douteuse).
  4. Apulée, Métam., IX, 14.
  5. Dion Cass., LXXI, 34.