Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nion, d’association, de la presse. À la distance où nous sommes, nous voyons bien que Marc-Aurèle, en étant plus complètement libéral, eût été plus sage. Peut-être le christianisme, laissé libre, eût-il développé d’une façon moins désastreuse le principe théocratique et absolu qui était en lui. Mais on ne saurait reprocher à un homme d’État de n’avoir pas provoqué une révolution radicale en prévision des événements qui doivent arriver plusieurs siècles après lui. Trajan, Adrien, Marc-Aurèle ne pouvaient connaître des principes d’histoire générale et d’économie politique qui n’ont été aperçus qu’au xixe siècle et que nos dernières révolutions pouvaient seules révéler.

En tout cas, dans l’application, la mansuétude du bon empereur fut à l’abri de tout reproche[1]. On n’a pas, à cet égard, le droit d’être plus difficile que Tertullien, qui fut, dans son enfance et sa jeunesse, le témoin oculaire de cette lutte funeste. « Consultez vos annales, dit-il aux magistrats romains, vous y verrez que les princes qui ont sévi contre nous sont de ceux qu’on tient à honneur d’avoir eus pour persécuteurs. Au contraire, de tous les princes qui

  1. On a exagéré le nombre des victimes. Ὀλίγοι κατὰ καιροὺς καὶ σφόδρα εὐαρίθμητοι. Origène, Contre Celse, III, 8. Les Actes de sainte Félicité sont sans valeur historique. Voir Aubé, Hist. des perséc., p. 439 et suiv.