Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/100

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tribuer la démolition des monuments, y contribuent assez peu. Le climat compte à peine. Combiné avec la mauvaise qualité de la pierre, il peut bien émousser les inscriptions, détruire la délicatesse des ornements ; mais il faut des circonstances bien particulières pour qu’il mine une grande construction. La guerre n’atteint non plus que la surface. Désunir les blocs d’un édifice, jeter à bas les pierres du sommet, n’est pas le détruire au point de vue de l’antiquaire. Un architecte, par une étude de quelques heures, a bientôt réparé le tort causé par le plus farouche conquérant. Détruire un édifice, pour l’archéologie, c’est en faire disparaître les matériaux. Or des pierres de plusieurs mètres de long se font respecter. Jamais il ne s’est trouvé d’armée conquérante qui, au lendemain de la victoire, se soit donné de gaieté de cœur le plaisir de charrier ou de dépecer de tels blocs. Il en faut dire autant des Révolutions. Les révolutions ont rarement le temps de détruire les édifices ; on a durant ces mois de fièvre bien autre chose à faire. Les destructions qu’on met sur le compte de la révolution française en particulier ont eu lieu sous l’Empire, ou même sous la Restauration, quand l’industrie et la prospérité publique commencèrent à renaître. Une seule cause, à vrai dire, détruit les monuments anciens : c’est le mouvement qui, après la ruine d’une civilisation, développe sur le même sol une autre civilisation exigeant de nouvelles constructions. Les pays où l’antiquité s’est le mieux conservée, par exemple le Hauran, la Pérée, Palmyre, la région de Lambèse, en Algérie, sont les pays occupés par des tribus qui vivent sous la tente, en d’autres termes ceux où, depuis la ruine de la civilisation antique, on n’a point bâti. Ce qui a fait dis-