Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/114

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Romains, Byzantins, Arabes, Normands, Français, Allemands, Espagnols, Napolitains, tout est venu s’y confondre. Malgré cette diversité d’origine, l’unité du caractère national est parfaite ; nulle part la fusion des races n’a été plus absolue. Quelques familles nobles ont seules le souvenir de leur provenance, et encore cette noblesse, tout entière d’origine normande, souabe ou espagnole, n’a-t-elle la prétention de représenter qu’une situation sociale supérieure et la grande propriété. Elle est profondément sicilienne et ne sépare en rien ses intérêts des destinées du pays.

Ce qui domine évidemment dans ce mélange de races, c’est l’élément arabe ou plutôt berber et l’élément gréco-byzantin, le premier l’emportant dans l’ouest, le second dans l’est de l’île. En traversant les villages de la pointe occidentale, vers Alkamo, on se croit parfois en Barbarie. Les femmes vivent dans une demi-retraite ; le sentiment de l’indépendance tourne facilement au banditisme. À Syracuse, au contraire, on est en Grèce. Les femmes vous accueillent d’un air souriant ; on trouve plus d’humeur facile et de gaieté. Ces analyses sont difficiles et toujours sujettes à bien des réserves. Ce qui est clair, c’est le résultat d’ensemble. Un caractère ardent, passionné, généreux, libéral, plein de feu pour ce qui est noble et beau, un tempérament où le cœur surabonde et devance parfois la réflexion, voilà la nature sicilienne. La passion profonde de l’Arabe et le libéralisme grec s’y réunissent. En somme, si l’on veut voir la vie grecque se prolongeant encore de nos jours, c’est en Sicile, c’est dans la baie de Naples qu’il faut aller. La Grèce proprement dite a été trop dépeuplée ; il s’y est fait trop de substitutions de