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cienne Ninive, la Ninive du premier empire d’Assyrie, abandonnée lors de la catastrophe qui mit fin à cet empire, tandis que Khorsabad et Koyounjik représentent la Ninive du second empire, celle de Salmanasar et de Sennachérib. L’immense construction pyramidale de Nimroud, qui frappa Xénophon, offre de remarquables analogies avec la description qu’Hérodote nous a laissée de la tour de Bélus à Babylone[1]. C’était sans doute la forme primitive du temple assyrien, à l’époque où l’architecture encore symbolique par elle-même, comme les stoupas de l’Inde, ne se distinguait pas des autres arts plastiques, et formait avec l’objet du culte un tout indivis. Ce n’est qu’à une époque très-postérieure qu’on attribua une destination funéraire à ces masses gigantesques ; l’antiquité, si peu scrupuleuse en fait de critique et d’archéologie, les appelait à tout hasard tombeaux de Ninus ou de Sardanapale.

Les plus curieux peut-être des bas-reliefs découverts et reproduits par M. Layard sont ceux qui nous représentent les procédés mécaniques au moyen desquels ont été élevées ces masses qui nous étonnent. L’idée de figurer ainsi sur le monument les travaux de sa construction est certainement une des plus caractéristiques de l’art assyrien. Ce n’est pas à la Grèce que la pensée fût venue de représenter sur les bas-reliefs d’un temple ce détail indifférent et tout servile ; l’édifice grec créé tout d’une pièce par le génie ne doit pas porter la trace de la main de l’homme : il faut que le souvenir de son origine terrestre soit autant que possible effacé. Éminemment objectif, il se rapporte tout entier à sa destination religieuse ou civile. L’édifice assyrien, au contraire, est son

  1. Hist. l. I, c. 181.