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Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/249

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vraiment créateur de l’architecture du moyen âge. Ce sont déjà des églises gothiques pour la forme générale, l’aménagement intérieur, le jeu des nefs et des galeries. Le principe est posé, il n’y a plus qu’à le développer. Le Midi, le Poitou, l’Auvergne, procédèrent timidement dans ce développement. La Provence et le Languedoc continuèrent à bâtir en roman jusqu’au xive siècle. Le nord, au contraire, ne s’arrêta pas. Soit que les églises romanes y fussent moins bien construites et qu’un grand nombre d’entre elles se fussent écroulées dans le commencement du xiie siècle, soit que cette partie de la France obéit à des besoins d’imagination plus élevés, le mouvement architectural s’y continua sans relâche, et, cent cinquante ans après sa naissance, le style roman y subissait une profonde modification.

Le travail abstrait d’où sortit cette modification dut être quelque chose de surprenant. D’une part, les maîtres maçons du nord trouvèrent que les églises romanes avaient quelque chose de lourd et de trapu ; ils virent qu’on pouvait beaucoup les amincir et y employer bien moins de matériaux. D’un autre côté, de fréquents accidents avaient prouvé que, dans les églises du xie siècle, la poussée de la voûte avait été mal calculée ; on chercha à y remédier. En suivant cette double tendance, on fut conduit à substituer la voûte d’arêtes à la voûte en berceaux et à préférer l’arc aigu au plein cintre. L’arc aigu avait l’avantage d’opérer un bien moindre écartement et de faire porter l’effort sur des points isolés et certains. Ce changement ne fut pas d’abord systématique. L’ogive (pour employer le mot très-impropre qu’on donne de nos jours à l’arc aigu) fut adoptée pour les grands arcs, qui