Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/305

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d’Espagne. On broda sur les broderies de Conde ; on prit pour des documents authentiques ce qui n’était qu’un tissu de contre-sens ou d’à peu près. Un traducteur, par exemple, trouvant le livre de l’académicien de Madrid beaucoup trop fort pour le public, décida que ce livre devait être pris comme un recueil de matériaux, et se donna avec Conde les mêmes libertés que Conde s’était permises avec les historiens arabes. C’eût été merveille si à travers ces remaniements il fût resté quelque chose de la vérité. Les erreurs s’ajoutèrent aux erreurs ; on voulut éclaircir des conjectures par des conjectures. Nous sommes prêts à faire toutes les réserves possibles pour le talent que d’habiles écrivains ont déployé dans ce labeur ingrat ; mais avec tout l’esprit du monde ils ne pouvaient être plus exacts que leur maître, et nous persistons à croire que dans un tel état de choses il n’y avait à choisir qu’entre deux partis : apprendre l’arabe, ou attendre que les orientalistes eussent rendu abordables les sources authentiques de l’histoire que l’on entreprenait de traiter.

C’est à quoi de doctes arabisants, MM. Gayangos Hoogvliet, Dozy, plusieurs autres encore, se sont appliqués depuis quelques années. Parmi eux, M. Reinhart Dozy, professeur d’histoire à l’Université de Leyde, mérite une place tout à fait distinguée par son savoir et son activité. Dans l’espace de sept ans, et sans préjudice de bien d’autres travaux, M. Dozy a publié une masse de documents arabes-espagnols vraiment surprenante, et qui ne permet qu’un regret : c’est que l’auteur n’ait pas toujours accompagné les textes orientaux de traductions en langue européenne. L’école française a raison de ne pas se départir de ce principe qu’un texte non traduit