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MÉLANGES D’HISTOIRE.

d’abord, les fruits qu’elle a déjà donnés, et qui ne sont rien peut-être en comparaison de ceux qu’elle produira un jour, ont inspiré à la jeunesse des universités d’Allemagne une sorte d’enthousiasme que M. Regnier n’essaye pas d’éteindre, mais qu’il voudrait diriger. Il pense qu’on doit s’attacher à l’intelligence littérale du texte, avant de chercher à en tirer des conséquences philosophiques ou historiques ; pour arriver à cette intelligence, c’est aux interprètes indiens eux-mêmes qu’il s’adresse. Il ne se dissimule pas combien l’autorité de guides aussi subtils et aussi préoccupés de choses étrangères à la philologie a besoin d’être contrôlée ; mais il croit qu’il faut les prendre comme les dépositaires d’une tradition toujours digne d’être écoutée, même lorsqu’il y a des raisons décisives pour s’en écarter.

Les livres compris sous le nom commun de Pràtiçàkhyas sont des recueils d’axiomes grammaticaux annexés à chacun des Védas, de vrais manuels en vers mémoriaux destinés à l’enseignement et qui ont dû servir de livres élémentaires dans les écoles védiques. Ils font partie de ce vaste système de précautions que l’Inde a élevé autour de ses hymnes sacrés, et qui a eu pour résultat un phénomène sans exemple dans l’histoire des littératures : les Védas nous sont parvenus sans une seule variante, sans une seule nuance d’orthographe, ni même, on peut le dire, d’accentuation. Cette merveilleuse intégrité est due en grande partie aux Pràtiçâkhyas. La date est toujours ce qu’il y a de plus embarrassant à prononcer quand il s’agit d’ouvrages indiens. Cependant de très-sûres inductions amènent à placer la compilation des Pràtiçâkhyas vers le VIe ou le Ve siècle avant notre ère : je dis la