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MÉLANGES D'HISTOIRE.

remplacé avec avantage les mécanismes indépendants de l’ancien régime par des ministères et des administrations, ne sait pas se comporter comme il faut envers ces délicates études. Plus soucieux d’encourager ce qu’on appelle le talent, apprécié du grand nombre, que de montrer son estime pour des œuvres essentiellement aristocratiques, l’État est presque toujours, en pareille matière, un juge distrait, frivole ou peu sûr. Enfin, les nouvelles conditions que les transformations économiques du siècle ont amenées pour la vie matérielle sont tout à fait contraires aux occupations de recherche pure. La noblesse de ces recherches est de n’avoir presque aucune valeur vénale, de répondre à la demande d’un petit nombre de lecteurs. Celui qui s’y livre a d’ordinaire très-peu de besoins ; il en a cependant. Le séjour à Paris lui est presque indispensable ; une vaste bibliothèque, des voyages littéraires lui sont nécessaires. Que deviendra-t-il dans un état social où des politiques qui se croient profonds ont visé systématiquement à rendre la vie chère et à faire de Paris une ville inhabitable pour quiconque ne mène pas une vie de luxe. La conséquence de ce régime sera, si l’on n’y prend garde, un grand abaissement pour les parties les plus importantes de la culture de l’esprit.

Il y a satisfaction, du moins, sur le seuil de ce triste avenir, à reposer sa pensée sur la vie tranquille d’un homme éminent qui traversa des jours meilleurs. M. Victor Le Clerc a été proclamé par un de ceux qui l’ont le mieux connu, M. Naudet, le vrai bénédictin de notre âge. Sa paisible retraite de la Sorbonne fut pour nous, durant des années, le sanctuaire de l’investigation