Aller au contenu

Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 503

s’améliorer sans cesse. Il fut continuellement en progrès sur lui-même. Ses idées s’élargissaient chaque jour. Les préjugés qu’il avait puisés dans sa première éducation contre la critique allemande s’étaient presque effacés. Ses études approfondies sur les poëmes et les chroniques du moyen âge lui avaient fait comprendre l’essence de l’histoire populaire. Dans certaines questions, surtout dans celles qui touchent à l’authenticité des ouvrages anciens, il n’abandonna jamais tout à fait les habitudes un peu confiantes de notre vieille école ; mais la bonne foi, l’amour de la vérité, l’amenèrent, en ses derniers temps, à rendre justice au génie critique de l’Allemagne et aux patientes recherches que les universités des pays germaniques ont portées dans toutes les branches du savoir. Ce fut surtout en trouvant les savants allemands si zélés pour notre vieille littérature du moyen âge, si empressés à reconnaître sa priorité, si dégagés de ces préjugés de vanité nationale qui l’avaient choqué chez les Italiens, chez les Espagnols, qu’il rendit les armes et reconnut la justesse de leurs méthodes. Cela était d’autant plus méritoire que les opinions universitaires étaient, si l’on ose ainsi dire, sa religion ; les abandonner dut être pour lui le plus difficile des sacrifices : il le fit à la vérité.

Il pratiquait une tolérance absolue. Sa philosophie était celle de ses auteurs favoris, l’éclectisme de Cicéron tempéré par la réserve de Montaigne : il était sceptique, non-seulement à l’égard de la religion révélée, mais à l’égard de toute philosophie dogmatique. Il ne s’interdisait pas de sourire discrètement de l’espèce d’orthodoxie philosophique qu’il vit essayer de fonder. Dans les thèses phi-