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524 MÉLANGES D’HISTOIRE.

preuves ; que l’Église plus que personne profiterait de cette grande liberté, qui lui permettrait d’exposer au grand jour et sans une ombre d’entrave ce qui lui paraît la vérité. Avec un tel régime, qui songerait à relever des prétentions comme celles que l’on reproche tant aux protestants du XVIe siècle, à demander des places de sûreté, des parlements mi-partis ? Qui ne préférerait au système du statut personnel la grande et bonne loi de l’esprit humain, la libre discussion, sans autre juge du combat que l’opinion éclairée ?

Ce qu’il serait possible de réaliser en une année à Paris, on pourrait, l’année suivante, l’organiser à Lyon, puis dans cinq ou six autres grandes villes. Il faudrait procéder avec lenteur afin de n’avoir pas la main forcée par les sujets médiocres. Il faudrait surtout s’imposer pour règle de ne pas dépasser dans toute la France le chiffre de sept ou huit universités. Le trop grand nombre de ces établissements est leur mort. Mieux vaut de beaucoup l’absence d’université que l’existence d’une université faible, l’université faible devenant une école de paresse et de médiocrité, qui gâte les autres écoles du même genre. Il est bien entendu que chacune de ces universités n’existerait que quand elle serait dotée de toutes les facultés essentielles. Ceci est capital ; on fait du feu avec cinq ou six bûches, on n’en fait pas avec une ou deux. Nos pauvres facultés de province, égrénées, isolées les unes des autres, sont la plus faible invention qui soit sortie de l’administration de l’instruction publique en notre siècle. C’est surtout quand le réseau des sept ou huit universités serait ainsi achevé dans la France entière que la liberté serait complète, absolue. Certes, elle serait déjà