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Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/551

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LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT 525

très-suffisante dans une seule université constituée sur le modèle que nous tracions tout à l’heure. Mais que serait-ce quand la France posséderait sept ou huit corps enseignants, également complets, opposés les uns aux autres, nécessairement rivaux, et qui, avec le temps, arriveraient à représenter des doctrines et des méthodes différentes ? C’est alors que vraiment les jeunes gens, les familles, pourraient choisir avec la plus entière liberté l’école qui leur convient. Chacune de ces universités aurait naturellement ses maîtrises particulières, ses excellences ; chaque opinion élirait de préférence dans l'une d’elles son domicile, sa forteresse ; on irait de l’une à l’autre, pour compléter les parties défectueuses de l’une par les parties excellentes de l’autre. Il s’établirait une concurrence pleine de fécondité. L’excellent usage qui existait au moyen âge et au XVIe siècle, qui existe encore en Allemagne, de faire passer successivement les jeunes gens par plusieurs universités, se rétablirait pour le plus grand bien des études. Ces divisions, en effet, remarquez-le, ne sont pas de celles qui rendent les citoyens ennemis les uns des autres, étrangers les uns aux autres. Elles créent, au contraire, des liens profonds, car elles n’ont qu’une seule cause, la recherche de la vérité ; et au-dessous d’elles s’étend la base commune des institutions françaises, des gloires françaises, de l’esprit français.

Toutes ces vues sont trop loin d’une réalisation pour que j’aborde deux ou trois graves objections de détail, en particulier les mesures à prendre à l’égard de ces malheureuses facultés de province, dont le sort, dans toutes les hypothèses, est bien compromis, et la difficulté résultant de nos Écoles spéciales. École polytechnique, École