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Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/56

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du texte ! quelle certitude directe et, si j’ose le dire, documentaire ! Or cette grande époque des Aménophis, des Touthmès, des Ramsès commence dix-sept cents ans avant Jésus-Christ. Ce n’est pas ici de la conjecture. Les listes de rois soit grecques, soit égyptiennes, sont pour l’époque dont il s’agit en parfait accord les unes avec les autres. Qu’on veuille bien consulter le Kœnigsbuch de M. Lepsius, on n’aura nul doute sur ce point. Ainsi, à une date où la conscience nationale de la Grèce et celle de la Judée n’existent qu’en germe, où Ninive et Babylone ne sont pas encore entre les mains des races qui feront leur puissance, l’Égypte est en pleine possession d’elle-même, que dis-je’? en un état de maturité voisin de la décadence. L’histoire positive nous permet du reste de remonter bien au delà.

Avant la dix-huitième dynastie en effet s’étend une période dont le caractère est parfaitement connu. C’est l’époque des Hyksos ou « Pasteurs », époque d’invasion violente et de conquête. L’Égypte, comme la Chine, reçoit des hordes d’étrangers, les absorbe, se les assimile, leur impose avec le temps ses institutions et ses lois. On pouvait soupçonner tout cela avec les seuls textes grecs ; les fouilles de M. Mariette à Sân (Tanis) ont répandu sur ces siècles obscurs un jour inattendu. Nous avons sans doute des monuments des Pasteurs dans ces colosses étranges, dans ces sphinx aux formes toutes particulières, dont quelques-uns sont déjà au musée de Boulaq. L’origine sémitique des Hyksos a été mise dans une évidence de plus en plus frappante. Il n’est pas permis de parler de synchronismes rigoureux pour une époque aussi reculée. Peut-on oublier cependant que le grand mouvement des