Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/175

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redoute que ton dévouement ne t’aveugle et ne te fasse oublier la prudence. Que veux-tu dire, chère amie, quand tu me dis dans ton dernier billet que tu ne peux que partager le sort de cette famille ? Qu’y a-t-il sous ces mots ? Veux-tu exprimer un fait malheureusement trop vrai pour le moment, ou une résolution pour l’avenir ? Les assurances que tu m’as données dans tes lettres précédentes me font espérer que ce n’est pas ce dernier sens que tu y attaches. Plus encore, ton bon sens m’assure que tu n’as pu nous oublier à tel point. Je comprends parfaitement, chère amie, tout ce que peut avoir d’inconvénients le retour dans un pareil moment. Je ne te l’aurais peut-être pas conseillé, si je n’avais eu d’autres motifs que ceux tirés de la conduite du comte à ton égard, bien que ceux-ci fussent sans doute plus que suffisants pour décider ton départ. Ce sont d’autres considérations qui me déterminent, tu le comprends, et contre celles-là nulle autre ne peut tenir. Qu’il me tarde de savoir si de nouveaux événements n’ont pas changé à cet égard tes résolutions ! Nos journaux ont parlé d’arrêtés concernant les Français dans le pays que tu habites, mais d’une manière si contradictoire et si obscure, que je ne sais que croire. Selon quelques-uns, les Français qui n’auraient pas profité immédiatement de la facilité de départ qui leur était offerte, devraient être à l’avenir considérés comme sujets russes. Tu ne m’as pas encore répondu sur cette