Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/199

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en te sachant au milieu de cette ville malheureuse, qui après avoir touché l’apogée de l’éclat, de la richesse et de la civilisation, se précipita d’elle-même dans le gouffre de l’anarchie et du néant ? — Les dernières élections, les derniers événements de Paris sont à détruire toute lueur d’espérance. — Que le ciel veille sur toi ! et aussi sur notre pauvre patrie !... Donne de mes nouvelles à notre mère, cher et précieux ami, et demande-lui si elle a reçu une lettre que je lui ai adressée le 29 mai par l’intermédiaire d’Emma. Elle a dû la recevoir dans les premiers jours de juin. Adieu ! très cher Ernest, adieu !... Puisses-tu, au milieu de tant de difficultés, trouver quelque force dans la pensée d’une affection qui ne te manquera jamais. — A toi, comme toujours !

H. R.


MADEMOISELLE RENAN,
chez monsieur le comte Zamoyski, Nouveau-Monde, Varsovie (Pologne).


Paris, 25 juin 1848

Quel affreux spectacle, chère amie ! Durant une journée entière, n’entendre que le sifflement des balles et le bruit du tocsin, ne voir passer que des morts et des blessés ! Sois toutefois bien rassurée. Bien que notre quartier, surtout les