Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

défend toute réflexion sur les inqualifiables procédés de ce pays. Qu’il me suffise de te dire que depuis un an à peu près, tous les manuscrits sont sous le scellé, sous le prétexte le plus futile, que depuis ce temps nul n’a pu en voir un seul, que toutes les démarches de M. Rayneval ont été inutiles pour obtenir l’autorisation de faire lever les scellés. Tout cela, comme tu peux penser, ne nous met pas de bonne humeur  ; M. Daremberg comptait surtout sur les instruments de chirurgie de Pompéï, conservés au Musée. Aussi sous les scellés ; nous n’avons pu les voir qu’à travers un verre, et les dessiner tant bien que mal, malgré les exclamations de deux ou trois custodes qui tempêtaient pour nous en empêcher. Quel pays, mon Dieu ! quel pays ! Les bras nous en tombent. Pour comble de malheur, la bibliothèque Brancaccia, où il y a aussi quelque chose en fait de manuscrit, est maintenant sens dessus dessous. Impossible d’y rien voir. Enfin peu s’en est fallu que nous n’ayons du renoncer au Mont-Cassin. La vieille abbaye de Saint-Benoît est tenue en quarantaine, comme un foyer d’esprit révolutionnaire, les moines sont presque tous dispersés. Grâce à M. Rayneval, nous pourrons y entrer. Ah ! que Rome est un pays d’or, pays de liberté, pays de bonne administration, de bons procédés ! Je ne plaisante pas, chère amie, je compare.

Nous partons lundi pour le Mont-Cassin. Nous y resterons cinq ou six jours, puis nous retournerons à Rome. De là je t’écrirai, si je ne le fais même