Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/454

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menant autour du beau monastère, je citais à Daremberg les paroles de l’Évangile : « Il est bon d’être ici ; voulez-vous que nous y fassions trois tentes… ? » Il me répondit en souriant, comme c’était bien naturel, qu’il lui faudrait quelqu’un de plus. A quoi j’ajoutai que pour moi j’aimerais mieux la savoir comme Scolastique sur la montagne voisine, sauf à la voir une fois l’an. Je ne vois pas en tout cela d’argument bien décisif qui nous oblige à rester à quatre cents lieues l’un de l’autre. — J’aurais encore bien d’autres explications à te donner, mais je ne veux pas épuiser cette fois ma psychologie. Je veux bien reconnaître que les raisons tirées des instances du comte seraient suffisantes pour te faire prolonger de quelques mois, si cette prolongation ne t’obligeait à passer un hiver de plus dans ce déplorable climat. Voilé, chère amie, ce qui m’arrête ; voila ce que rien ne balance dans mon esprit. Et puis ce qui m’effraie encore davantage, c’est que la même raison subsistera au mois d’avril ou mai 1851  ; on te suppliera encore de rester, et alors ce serait à désespérer ; car je ne verrais plus d’issue. Ma très chère Henriette, promets à ton frère que tu ne dépasseras pas les dix années, obtiens la parole du comte qu’il ne t’adressera pas d’instances ultérieures, et si, la main sur la conscience et pensant à moi plus qu’à toi, tu m’assures que bien sérieusement un hiver de plus ne t’inspire pas d’inquiétude, eh bien ! je me résignerai à ne te voir que