Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/493

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te dire toute la tristesse que cela met dans mon âme. Voila tous mes plans, voilà tout mon idéal gâtés ! le conseil qui t’est donné, de passer l’hiver prochain dans les contrées méridionales ne m’attriste, chère Henriette, que par la gravité même qu’il suppose à ton mal, et les craintes qu’il me laisse sur sa réapparition. Moi-même j’avais souvent pensé que quelques mois passés sous ce beau soleil, au sortir des tristes et ingrates régions que tu as trop longtemps habitées, te seraient bien salutaires. Qui sait, ma chère amie, si pour accomplir ce projet devenu nécessaire, il faudra nous séparer ? je ne te verrais qu’avec une peine extrême partir seule pour un pays où tu devrais vivre sans relation aucune, l’année prochaine passée en province n’aurait pour moi nul inconvénient ; tu le verrais si je t’exposais ou détail mon plan de travail. Or je crois bien que j’obtiendrais, si je le demandais, une suppléance dans une faculté du Midi, à Aix par exemple, ou à Toulouse. Un autre séjour en Italie ne serait pas non plus chose impossible. Enfin, chère sœur, je me berce de l’espérance que l’exécution du conseil de ton médecin ne nous imposera pas de séparation. Ne me parle plus, je t’en supplie, de nuire à mon avenir, de t’imposer à ma jeunesse (grand Dieu ! tu es donc décidée à me faire de la peine avec de telles paroles), et autres choses de cette sorte qui m’attristent toujours quand je les trouve sous ta plume. Quoi, elle a pu penser cela, cette idée a pu lui venir ! Notre nouvelle