Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/72

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je me suis trouve amené par la nécessité de mon sujet, et tout en écartant avec le plus grand soin toute apparence d’antagonisme, à énoncer certains résultats qui ne sont que critiques, mais qui aux yeux de l’étroite orthodoxie française passeraient pour des hardiesses. Je le répète, chère amie, j’ai cherché à fuir ces occasions périlleuses, et depuis longtemps, je me suis assez accoutumé a garder pour moi seul les résultats qui me sont acquis avec le plus de certitude pour que ce ne soit plus la pour moi un sacrifice. Mais enfin il est certains points que je n’ai pu éviter, et du moment ou j’en parlais, je n’ai pas dû fausser ma pensée pour débiter de fausses et insignifiantes vieilleries. Aussi bien étais-je certain que ma méthode critique plairait beaucoup aux autres membres de la commission et spécialement a M. Burnouf, le plus influent de tous. La plupart de ces prétendues hardiesses étaient assez finement voilées sous une expression respectueuse pour qu’elles aient échappé à la censure ; une seule, et heureusement la moins importante et la plus facile à corriger, a offensé les oreilles pieuses du correcteur. Du reste il est impossible de trouver une bonté plus paternelle que celle que m’a témoignée en cette occasion cet excellent homme. Il m’a proposé de me rendre le manuscrit, et m’a indiqué les corrections à faire. Je me suis généreusement exécuté, mais juge de mon plaisir en effaçant les deux ou trois pages que je jugeais les plus délicates de mon travail et en placardant