Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/97

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éducation. Plusieurs personnes m’ont aussi demandé le manuscrit, et je ne m’en rends pas avare. Il est en ce moment entre les mains de M. Egger, à qui M. Burnouf en avait parlé de la manière la plus favorable, et qui m’en a fait toutes sortes de compliments. Il en lit les passages les plus intéressants aux élèves de l’École Normale, à qui il fait un cours de grammaire générale, et je l’ai rencontré ce matin s’y rendant, mon manuscrit sous le bras. Je trouve quelque chose de si bon goût à cette demi-publicité de lectures et de ouï-dire que j’attendrai probablement longtemps avant de lui en donner une autre bien plus redoutable.

Quant à M. Quatremère, chère amie, il m’est arrivé un tour fort singulier. J’ai ou la maladresse de dire à M. Reinaud que je comptais lui présenter mon manuscrit ; à ce mot il s’est récrié d’un air presque comique, me disant que c’était un homme terrible (ce sont ses curieuses expressions), qu’il ne me rendrait pas mon manuscrit, etc., et il me citait à ce propos des histoires à faire pour. J’ai beaucoup ri de ces naïves hyperboles par lequel le bon homme cherchait à me dissuader d’une démarche, par laquelle j’avais l’air de me mettre sous le patronage d’un autre. M. Quatremére est assez mal avec la plupart de ses confrères de l’Institut, de la Bibliothèque Royale et du Collège de France, et spécialement avec M. Reinaud, à qui il ne pardonnera jamais d’être le successeur de M. de Sacy, qui semblait