Page:Renan - Qu’est-ce qu’une nation ?.djvu/6

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pire romain, étaient des ensembles de peuplades, souvent liguées entre elles, mais sans institutions centrales, sans dynasties. L’empire assyrien, l’empire persan, l’empire d’Alexandre ne furent pas non plus des patries. Il n’y eut jamais de patriotes assyriens ; l’empire persan fut une vaste féodalité. Pas une nation ne rattache ses origines à la colossale aventure d’Alexandre, qui fut cependant si riche en conséquences pour l’histoire générale de la civilisation.

L’empire romain fut bien plus près d’être une patrie. En retour de l’immense bienfait de la cessation des guerres, la domination romaine, d’abord si dure, fut bien vite aimée. Ce fut une grande association, synonyme d’ordre, de paix et de civilisation. Dans les derniers temps de l’Empire, il y eut, chez les âmes élevées, chez les évêques éclairés, chez les lettrés, un vrai sentiment de « la paix romaine », opposée au chaos menaçant de la barbarie. Mais un empire, douze fois grand comme la France actuelle, ne saurait former un État dans l’acception moderne. La scission de l’Orient et de l’Occident était inévitable. Les essais d’un empire gaulois, au iiie siècle, ne réussirent pas. C’est l’invasion germanique qui introduisit dans le monde le principe qui, plus tard, a servi de base à l’existence des nationalités.

Que firent les peuples germaniques, en effet, depuis leurs grandes invasions du ve siècle jusqu’aux dernières conquêtes normandes au xe ?