Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/108

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austral, ton front, ô déesse toujours calme, ne serait pas si serein ; ta tête, plus large, embrasserait divers genres de beauté.

» Tu es vraie, pure, parfaite ; ton marbre n’a point de tache ; mais le temple d’Hagia-Sophia, qui est à Byzance, produit aussi un effet divin avec ses briques et son plâtras. Il est l’image de la voûte du ciel. Il croulera ; mais, si ta cella devait être assez large pour contenir une foule, elle croulerait aussi.

» Un immense fleuve d’oubli nous entraîne dans un gouffre sans nom. Ô Abîme, tu es le Dieu unique. Les larmes de tous les peuples sont de vraies larmes ; les rêves de tous les sages renferment une part de vérité. Tout n’est ici-bas que symbole et que songe. Les dieux passent comme les hommes, et il ne serait pas bon qu’ils fussent éternels. La foi qu’on a eue ne doit jamais être une chaîne. On est quitte envers elle quand on l’a soigneusement roulée dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts. »